Une communauté fédérée autour de la protection de l’environnement et de la culture à Porto Rico

Au cours notre tour du monde, nous avons découvert dans les montagnes caribéennes de Porto Rico une communauté recherchant l’autosuffisance économique et énergétique : Casa Pueblo (CP), maison du Peuple en Français.

Cette communauté prend naissance à la fin des années 1970, quand le gouvernement Portoricain entame un projet de mine à ciel ouvert dans les montagnes de l’île. Il concerne les petites localités d’Adjuntas, Utuado et Lares, d’où provient une grande partie de l’eau potable du pays. Le nettoyage des roches extraites doit se faire par lixiviation, procédé générant une grande pollution par l’utilisation de cyanure et par les résidus d’extraction contenant des métaux lourds (cadmium, arsenic, plomb, zinc, etc).

C’est donc sous couvert d’utilité publique que la qualité, la disponibilité de l’eau seraient mis en danger, et que des milliers de citoyens seraient déplacés.

15 ans de lutte citoyenne contre le gouvernement et contre deux grandes multinationales de l’extraction sont nécessaires pour faire annuler le projet en 1995. Cette formidable mobilisation regroupée à Adjuntas pointant parfois jusqu’à 30 000 personnes donne naissance à Casa Pueblo, une maison communautaire menée par son leader charismatique Alexis Massol qui recevra quelques années plus tard le prix Goldman de l’écologie.

Aujourd’hui, CP est toujours rempli d’enthousiasme, de bonnes idées et de grands projets ! Nous y sommes restés deux semaines pour vivre l’expérience de l’intérieur…

« Entrez, cette maison est la vôtre ! »

Lorsque vous rentrez pour la première fois dans la maison du peuple, un ou une volontaire vous accueille, disant tout sourire « bienvenue dans cette maison, elle est vôtre ». Ce ne fut pas une métaphore pour nous puisque nous avons eu la chance d’y être hébergés le temps de notre étude, bien que personne n’y vive au quotidien.

Nous avons d’abord compris l’histoire et le fonctionnement de CP, vite devenu haut lieu de sensibilisation et force de proposition sur l’environnement à Porto Rico. Les prises de position de la communauté résonnent à échelle nationale, si bien qu’un grand nombre de Portoricains connaissent Casa Pueblo. Côté porte-monnaie la production de café artisanal, les panneaux solaires photovoltaïques, une boutique et quelques dons assurent l’indépendance financière de la structure.

Suite à la lutte contre le grand projet d’extraction minier, CP obtient la gérance des forêts environnantes, et les transforme en forêt-école visant à sensibiliser et éduquer les milliers de visiteurs annuels. La mobilisation continue en parallèle, permettant par exemple en 2012 l’annulation d’un projet d’oléoduc devant traverser le pays.

Nous avons pu observer ce qui constituait le lien de la communauté. Tout d’abord, un amour profond, et il est difficile de le décrire autrement, de la part de tous les volontaires et principalement du leader charismatique Alexis Massol.

Cet amour s’étend de la culture de Porto Rico aux gens de toute sorte, du simple paysan qui retrouve ici sa valeur indispensable à la société puisqu’il produit notre énergie vitale, notre alimentation, jusqu’à l’ingénieur qui élabore un système de lampe de rue six fois plus économe que les lampes actuelles à halogène. Les volontaires sont de tous âges, tous milieux, et sont prêts à donner de leur temps, de leur énergie pour faire vivre et évoluer CP, mais aussi pour accueillir et aider les visiteurs.

Du global au local, et du local au global

Au delà de cet amour indispensable, c’est autour de trois piliers que les membres de la communauté se fédèrent : Science, Culture et Communauté. Par la science, en passant par l’éducation, l’homme est plus à même notamment de comprendre et critiquer les projets qui l’entourent, qu’il finance parfois indirectement. Par la culture, CP fédère les habitants locaux qui se rassemble autour de fêtes musicales ou typiques d’une culture Portoricaine qui a besoin de se renforcer, souffrant de l’influence Américaine. Enfin par la force d’un groupe, ils sont unis, formant une entité à forte influence leur permettant d’être écoutés mais aussi de continuer à se développer.

A CP, des initiatives sont mises en place et testées afin d’apporter des alternatives locales à la mondialisation et aux biens de consommation importés. « Du global au local, et du local au global », nous répète souvent Alexis Massol. CP communique sur ses découvertes et réussites pour partager au global ce qui a été accompli à échelle locale.

Par exemple, CP s’est associé à l’un des nombreux producteurs des montagnes pour torréfier sa production et la vendre sous le nom Café Madre Isla (café de l’île mère). Cette torréfaction est un vecteur de lien avec la commune d’Adjuntas, les habitants pouvant le savourer toute l’année et sentir se répandre son odeur dans les rues les jours de production.

Depuis plus de 20 ans, pour répondre à ses besoins énergétiques, CP utilise le potentiel solaire pour ses cultures, mais aussi pour produire de l’énergie. Plusieurs systèmes se sont succédés, et aujourd’hui 24 panneaux photovoltaïques pour une puissance de 5kw sont installés sur la toiture principale. Des batteries stockent l’électricité nécessaire à la structure, et le surplus est distribué gratuitement à la commune via une connexion au réseau collectif.

L’indispensable lien culturel

L’école de musique de CP, particulièrement populaire, permet un lien supplémentaire entre la population locale et la communauté. Dans les années 90, elle a permis de faire connaitre et dé-diaboliser la communauté, à l’époque sévèrement critiquée par le gouvernement.

Cette ouverture vers la culture est relayée par une radio locale, première des Caraïbes alimenté 100% par énergie solaire. Elle constitue un vecteur de communication précieux pour la population locale, et joue un rôle d’utilité publique en donnant les informations importantes en cas de coupure générale de courant.

Nombre d’autres initiatives sont à relever comme l’élevage de papillons, la culture de salade par hydroponie, un laboratoire de recherche biologique pour prévenir et protéger l’environnement, de la recherche et développement associé à une université, et d’autres en préparation tant ce lieu bouillonne !

L’autogestion communautaire

CP montre une alternative possible. Un système d’autogestion, d’indépendance qui fonctionne localement, mais qui peut aussi fonctionner partout. CP se nourrit de la connaissance de ses visiteurs cosmopolites, et très vite Alexis Massol nous a intégré dans ce processus.

On nous a donné la parole, demandé notre avis, nos critiques sur la communauté. Et c’est là un point crucial, chacun est écouté, son opinion, ses idées, ses envies, ses capacités trouvent un sens et une reconnaissance unique !

En vivant près des membres de la communauté, chacun peut ressentir qu’une force et une joie les animent. Les volontaires sont nombreux, et pour eux, jouer un rôle dans la sensibilisation des milliers de visiteurs annuels est indispensable pour protéger leur magnifique île. Selon Alexis Massol, « ce processus de recherche d’indépendance et de décolonisation apporte un sentiment de libération et d’émancipation indescriptible ».

Cette communauté de bientôt une quarantaine d’année a su affronter des épreuves de longue haleine, de tentatives d’intimidation en politique de discrimination par les autorités locales. Mais fort de son unité et de son bon droit, elle fut et reste mobilisée et plus utile que jamais.

Merci Casa Pueblo, cette expérience fut riche et nous incitons chacun à s’en inspirer !

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